J'ai passé mes deux dernières semaines à répondre à une des lectrices de notre forum de Organiser anniversaire qui avait posé une question a priori simple : "Je programme un anniversaire surprise pour mon mari. J'ai invité 50 personnes. Quel est le budget que je dois prévoir pour mon buffet ?". J'ai mis du temps à répondre car, dans les livres et magazines de cuisine, en face de photos esthétiquement merveilleuses, la question de l'argent est opportunément taboue. Cette recherche a fini de me convaincre que les grands distributeurs et l'industrie agro-alimentaire sont gravement responsables de la mal bouffe (mais c'est une autre histoire).
Avec des recettes simples et des vins basiques, comprenant toutefois des fruits et légumes, je n'ai pas pu descendre au-dessous d'un prix moyen de 7/10 € par personne. Je me suis trouvée ridicule à prôner les invitations tous azimuts alors que le pouvoir d'achat moyen de mes concitoyens ne le permet pas.
J'en ai conclu que, si on voulait continuer à entretenir les liens familiaux et amicaux en se retrouvant régulièrement autour d'une table, d'un barbecue, d'un buffet, il faudrait changer nos habitudes et accepter de partager les frais, comme le font les Québécois et Australiens qui ne font pas nos manières. La pratique que chacun apporte quelque chose est là-bas habituelle, l'important étant d'être ensemble, et non pas de faire la démonstration comme ici qu'on est une maîtresse (ou un maître) de maison accomplie sachant "recevoir".
C'est alors que j'ai lu une interview récente de Michèle Debonneuil. A la question sur les nécessaires changements vers une société durable, elle répond. "La crise actuelle n'est pas seulement financière, mais elle est la conséquence d'une autre crise, économique. Nous vivons une mutation vers un nouveau modèle de croissance, passant d'une économie de "l'avoir plus" à une économie de "l'être mieux". Elle préconise une intervention de l'État pour faire travailler ensemble des opérateurs aujourd'hui concurrents sur des projets emblématiques de mise à disposition de services. L'exemple donné est un vaste projet de voitures en libre-service sur lequel coopéreraient les régions, les 2 constructeurs automobiles, la SNCF, les loueurs, projet compatible avec le développement durable et créateur d'emplois non délocalisables.
Partager sa voiture, comme on partage son steak ?
Je crois bien que d'abord nous y serons contraints mais qu'en plus nous pourrions nous en trouver plus heureux.
PS. Des amis français installés récemment en Australie se lancent à inviter leurs voisins à un "BBQ" chez eux. Les voisins australiens préviennent "qu'ils apporteront la viande". Le jour dit, chaque couple de voisins se présente avec sa propre viande et les Français qui accueillent se retrouvent, eux, sans viande. Choc de culture !
PS 2. L'économiste Michèle Dubonneuil a été l'inspiratrice du plan Borloo de 2006 sur les services à la personne. Elle a été interviewée plusieurs fois dans le Monde récemment et dans l'émission de radio Rue des entrepreneurs du 24 janvier qu'on peut encore podcaster jusqu'à samedi : toute l'émission consacrée aux changements de comportements dus à la crise était passionnante.
Je laisse le soin à mon petit-fils Roméo, 4 mois, ici sous la protection du tigre, de vous souhaiter une très belle année du buffle.