Voilà deux jours que j'ai entrepris d'écrire pour Organiser anniversaire une série d'articles sur l'organisation de kermesses et qu'une tonne de souvenirs de fêtes vécus sous les platanes d'une cour d'école parisienne me submergent.
1. Pour commencer, la version scolairement correcte : c'est "tellement une bonne idée" de se lancer dans une kermesse, qui clôt l'année, soude l'équipe enseignante, améliore les relations parents-enseignants menant un projet commun et prenant le temps de faire connaissance, apporte des sous vraiment très utiles dans la coopérative et ... fait la joie des enfants.
Mouais.
2. Ensuite la cruelle confrontation à la réalité. La première réunion préparatoire où on se retrouve à 12 parents maxi (toujours les mêmes) et une petite moitié de l'équipe pédagogique. La galère de collecter des lots pas trop minables chez les aimables commerçants du quartier. Si on a été assez fous pour se lancer dans une brocante, le musée des horreurs, à trier, nettoyer, étiqueter, présenter. Si on a eu le malheur de proposer un stand arbre à bonbons, les deux soirs passés à attacher du bolduc aux 200 carambars ou à empaqueter dans du papier journal les petits lots de la pêche miraculeuse. Les kilos de bonbons et boissons à trimballer. Les mètres de guirlandes à installer. Les centaines de sandwiches à tartiner.
Le jour venu, la pluie, un 25 juin. Le froid si on fêtait Carnaval. Le tour de reins si par inexpérience on avait dit "mettez-moi où ça vous arrange" et qu'on s'était retrouvé comme par hasard au stand "chamboultout" (celui on se baisse 1500 fois pour ramasser les boîtes de lait maternisé et les balles en chiffons). Les mains gercées l'après-midi où j'avais voulu innover avec l'activité "savon à faire remonter le long d'une planche" (froid+eau savonneuse=crevasses garanties si on ne s'est pas munis de ses gants de vaisselle).
Après, le rangement, le ménage (les mêmes 12), la déchetterie (pour ce qui n'a pas pu être fourgué à la brocante), les comptes (c'était moi la trésorière, poste très peu convoité) pour s'apercevoir qu'on avait perdu les factures de Franprix et qu'on avait gagné trois francs six sous.
3. Pire encore, la version "off", décourageante
La flemme de ceux qui ne ramassent pas un papier (ah bon, ce ne sont pas les femmes de service qui balaieront ?), se barrent (je peux revenir les chercher à quelle heure ? ), les critiques (les merguez étaient un peu trop cuites ; l'année dernière, il me semble que les stands étaient mieux), la grossièreté (mon petit chéri, tu peux passer devant tout le monde ; vous auriez pas un autre lot, celui-là il l'a déjà ? ), l'humour la dérision facile.
4. Et enfin, ce qui reste vingt ans après le bicentenaire de 1989.
Le meilleur taboulé de ma vie (préparé par des parents libanais et dégusté sur les tables de la cantine). Mon pull noir en grosse laine avec des nounours brodés que j'arborais pour ne pas mourir de froid derrière la buvette. Une tarte aux abricots pas trop présentable qu'E. craignait de voir délaissée à côté des préparations plus réussies des autres mamans. Les grosses larmes qui me coulaient dans la gorge à voir les enfants hésiter dans la chorégraphie de Justin le petit lapin. L'amusement de fabriquer des déguisements. Des amis (recrutés parmi les 12 balayeurs) encore à nos côtés.
La certitude que, si c'était à refaire, je m'y précipiterais les yeux fermés (peut-être pas deux fois plutôt qu'une, à vrai dire).