Une enquête a été réalisée auprès de 1000 sujets représentatifs de la population française de 20 ans et plus afin de savoir ce qu'évoque pour eux le fait de cuisiner pour un repas de fête et de comprendre les représentations qu'ils s'en font.
Cette étude a été menée par Geneviève Cazes-Valette dans le cadre du colloque organisé par elle en décembre 2005 autour du thème "Faire la cuisine" à l'ESC Toulouse. C'est aussi ce colloque qui avait mis en valeur que le temps passé derrière les fourneaux semblait se stabiliser en France depuis 1997.
J'avais pris contact avec Geneviève (qui est docteur en anthropologie sociale et responsable du mastère marketing agroalimentaire à l'ESC Toulouse) parce que je voulais en savoir plus, ce qui m'a donné l'occasion d'une rencontre très sympathique. Son analyse sur l'avenir des traditions culinaires en France est moins optimiste que je ne l'avais imaginé.
Je recopie ses conclusions.
"Le repas de fête est un moment de convivialité, mais aussi de représentation sociale où le contenu des assiettes n'est qu'une des dimensions de la scène qui va se jouer. Entrent en jeu des considérations sociologiques et le désir de se conformer aux attentes et aux usages sociaux (faire "comme il faut") mais aussi de triviales questions de compétences et moyens financiers (faire "comme on peut") et des choix personnels dans la façon de se mettre en scène (faire "comme on veut"). Même si cela suppose organisation, prévision et efforts particuliers, cuisiner un repas de fête donne du bonheur aux organisateurs, qui anticipent le plaisir des convives.
Au-delà de ce portrait général, trois sous-groupes émergent :
les "stressés" (18,7%) peu enthousiastes à l'idée de préparer un repas de fête et s'en s'abstenant volontiers,
les "pratiques" (30,1%), très centrés sur la composition d'un menu d'exception,
et les "festifs" (50,1%), heureux et soucieux d'offrir à leurs invités un moment de convivialité".
A priori donc, pas d'inquiétude, les festifs restent majoritaires. Et si on rajoute le succès des livres et des émissions de cuisine, le carton de "Un dîner presque parfait" qui me paraissait signe d'une désaffection envers les restaurateurs et traiteurs, la prolifération des blogs culinaires, on pourrait être rassurés sur l'avenir de la cuisine de fête à domicile ?
Pas du tout, rétorque Geneviève.
1. Le succès des livres et des émissions ne signifie nullement qu'on mette réellement la main à la pâte. Bien au contraire : plus on achète de livres, moins on cuisine !
2. Le groupe des stressés, encore minoritaires, se décompte prioritairement parmi les jeunes et les classes sociales élevées, ce qui pourrait à terme en faire des modèles pour l'ensemble de la société.
C'est pas gagné, alors ?